Ceci est un petit conte inspiré d’un dessin réalisé pendant le confinement, par un jeune garçon prénommé Swan.
Cette fable est destinée à faire réfléchir et à donner de l’espoir aux enfants et à ceux qui ont gardé une âme d’enfant.
Il était une fois un royaume de fourmis où chaque fourmi œuvrait à sa tâche sans relâche.
Les unes portaient, les autres tiraient, certaines empilaient, d’autres assemblaient ou nettoyaient.
Aucune n’avait le temps de se reposer, à part la reine qui grossissait, grossissait mais … s’ennuyait, s’ennuyait sans fin.
Aucune fourmi n’avait le temps de se reposer, à part la reine, qui ruminait, ruminait sans cesse et se plaignait sans fin.
« Ah mon dieu si seulement il pouvait se passer quelque chose. Si seulement je pouvais m’amuser un peu. »
En entendant la reine se lamenter ainsi, chaque fourmi redoublait d’effort pour essayer de porter mieux, de tirer mieux, d’empiler plus, de mieux assembler, de mieux nettoyer …
Mais la reine se lamentait encore et encore !
Aucune fourmi ne savait comment satisfaire la reine et tout le royaume se désespérait …
Plusieurs années passèrent ainsi, plus tristes et plus grises les unes que les autres …
Quand un jour, survint de nulle part une bête noire hideuse …
Personne dans le royaume n’avait jamais vu une chose aussi étrange.
Un long corps tout fin, des pattes tremblotantes et désarticulées. Une trompe démesurée et des ailes immenses, à traîner par terre. Cet être étrange râlait et crachait. On ne comprenait pas ce qu’il disait mais on sentait bien qu’il était plein de colère et de fumée noire à l’intérieur de lui. Car effectivement, si on s’approchait mieux, ce que peu de fourmis osèrent faire, on pouvait distinguer de la fumée opaque sortir de ses oreilles et de sa trompe.
Même si peu l’avaient vue, cette étrange bête terrorisait le royaume. Toutes les fourmis en parlaient, s’inquiétaient, contournaient l’endroit où la bête avait été aperçue. Mais bientôt, de tous les coins du royaume on rapportait les méfaits de la bête et on assurait l’avoir vu ici, là-bas, encore ici et plus loin aussi. Toutes les fourmis furent bientôt convaincues que plusieurs bêtes, que des milliers de bêtes étranges circulaient partout.
Les fourmis n’arrivaient plus à travailler, elles avaient peur, elle se cachaient, elles y pensaient tout le temps. Même la nuit.
Pendant ce temps, plus personne ne s’occupait de la reine, qui était obligée de se lever pour aller chercher à manger, pour se laver et pour aller voir ce qui se passait dans son royaume. La reine n’avait pas vu la bête mais elle croyait bien volontiers ses fourmis qui l’avaient toujours servie avec dévouement.
La reine ne disait plus « je m’ennuie, je m’ennuie » mais répétait sans cesse (car c’était un peu un tic chez elle de répéter sans cesse) : « mais que peut on faire ? Que peut on faire ? Qui peut nous aider ? Nous n’allons pas pouvoir passer toute notre vie comme ça à avoir peur, à rester chez nous à cause de cette bête. »
A force de se lamenter aux quatre coins du royaume, ses paroles finirent par arriver aux oreilles d’un vieux scarabée. Ce scarabée était réputé pour sa sagesse et pour sa connaissance incroyable des bêtes étranges, qu’il avait répertoriées dans un grand livre.
Dans ce livre qui s’appelait « Le dictionnaire des parasites et autres étrangetés », il y avait des chiffres en pagaille, des bouts de journaux découpés, des recettes de potions magiques griffonnées sur un bout de papier, des dessins de bêtes plus étranges les unes que les autres.
Il décida, malgré son grand âge et son envie de rester tranquille dans son coin, de venir voir la reine pour lui faire part de sa grande expérience.
Au début, la reine se méfia un peu de ce scarabée qui se disait si savant … Mais comme toutes les fourmis insistaient et pleuraient de peur, la reine se décida à recevoir le vieux scarabée.
« Dis moi, toi qui es si sage dit-on … Sais-tu qui est cette bête et comment on peut s’en débarrasser. »
« Chère reine, – répondit le vieux scarabée – j’ai passé ma vie à étudier ces bestioles, celle-là n’est pas bien différente des autres, même si elle fait très très peur car elle est effectivement très dangereuse.
Je crois savoir comment la combattre mais pour cela il va falloir me promettre avant une chose…
– tout ce que tu veux vieux scarabée, nous sommes tous si désespérés.
– Bon alors, il va falloir que toutes les fourmis du royaume, je dis bien toutes, aucune ne doit manquer ….
– Oui oui c’est promis – lui assura la reine- elles seront toutes prêtes à faire ce que tu diras vieux scarabée.
– Et bien il faudra que toutes les fourmis, je dis bien toutes, aillent vers le lac des belles pensées et rapportent chacune les idées qui font plaisir, qui rendent heureux, qui rendent joyeux. Ces idées sont comme des petits vers enfouis dans la terre du bord du lac, ils sont faciles à reconnaître car ils sont de toutes les couleurs.
– Oui et après ? demanda la reine
– Après je m’en occupe !
– Oh là là – répondit la reine- mais moi je veux savoir, je ne vais pas donner tous ces ordres à mes fourmis pour rien, sans avoir à quoi ces belles pensées vont servir, ce que tu vas en faire … je ne voudrais pas que mes fourmis deviennent soudain paresseuses avec toutes ces belles idées en liberté !
– Et bien débrouille toi – lui répondit le scarabée, vexé.
– Ah non non non – lui dit la Reine paniquée -, ne nous laisse pas tomber ! Mais comprends moi … toutes ces belles pensées ça fait des siècles que mes ancêtres les ont enterrées bien au fond du lac pour être tranquille … si on les ressort ça va être n’importe quoi !
– Fais moi confiance ou débrouille toi – lui rétorqua le scarabée en lui tournant le dos
– D’accord ! On va faire comme tu dis – lui répondit la reine désespérée.
La reine donna alors l’ordre à toutes ses fourmis de partir vers le lac des belles pensées pour rapporter au vieux scarabée le maximum de petits vers multicolores.
Les fourmis, toujours si courageuses, en rapportèrent des milliers et des milliers, de toutes les couleurs. Cela faisait comme une montagne multicolore.
Alors, le vieux scarabée sortit un tambour en peau de serpent, agrémenté de clochettes et commença à chanter des sons étranges. Il comptait attirer la bête grâce à cette mélodie totalement inconnue des fourmis … il chanta ainsi de longues heures … quand enfin la bête étrange apparut, attirée par ces sons.
Les fourmis étaient terrorisées, beaucoup voulaient fuir mais le vieux scarabée les rassura et leur donna l’ordre d’encercler la bête. Celle-ci crachait, grognait, fumait …
Le scarabée ordonna alors aux fourmis de lancer les vers multicolores sur la bête immonde. Les petits vers transformaient le parasite : à chaque impact, la bête se colorait de la teinte du ver qui venait de la toucher, par milliers de petites touches. A chaque impact, la bête s’affaiblissait, jusqu’à devenir un tas de couleurs mélangées.
Quand elle ne bougea plus, le vieux scarabée s’approcha, la hissa dans une boite et inscrivit sur le couvercle le mot « parasite dangereux … n’ouvrir sous aucun prétexte » et referma la boîte.
Il accepta enfin de donner les explications que les fourmis attendaient toutes.
« Voilà, cette bête est un parasite, elle se développe quand tout va mal, que les habitants d’un royaume souffrent, sont en colère, sont tristes ou ont perdu leur joie de vivre. Je crois que c’est ce qui vous était arrivé à vous les fourmis et … à toi aussi leur reine.
Ceci ne serait jamais arrivé si vous n’aviez pas enterré au fond du lac, il y a bien longtemps toutes ces belles pensées qui font rire, plaisir, aimer, penser et s’amuser.
Désormais, vous savez que ces belles pensées sont utiles et qu’il faut les garder avec vous. N’oubliez pas cette leçon car je ne serai pas toujours là pour vous aider. Je suis déjà bien vieux … ».
Les fourmis et leur reine remercièrent chaleureusement le vieux sage qui s’en alla paisiblement, la boite à parasite sous le bras.
Les fourmis n’oublièrent jamais cette histoire que tous les parents fourmis racontent le soir à leurs enfants fourmis, depuis des milliers d’années.
Dessin de Swan