L’autorité comme acceptation de l’obéissance

Qu’est ce que l’autorité ? Comment se distingue-t-elle du pouvoir ou de l’autoritarisme ?

C’est à ces questions, au travers d’une approche sociétale et psychologique, que Daniel Marcelli professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, répond de manière pédagogique et limpide, dans une conférence donnée en avril 2012 dans le cadre des rencontres débats de l’Esen (Ecole Supérieure de l’Education Nationale).

Les fondements de l’autorité : un héritage remis en question

Pour lui il est nécessaire d’asseoir l’autorité sur des bases nouvelles car les fondements originaires sont ébranlés en raison de l’évolution de la société et de celle, consécutive, des standards et principes éducatifs.

Il fait référence à Hannah Arendt qui avait anticipé cette évolution en expliquant que l’autorité requiert l’obéissance. Celle-ci a longtemps été basée sur la hiérarchie, admise comme juste, légitime et issue du passé (celle du roi sur ses sujets, celle du maître sur ses élèves, celle des parents sur leurs enfants).

Or pour Hannah Arendt, cette hiérarchie est remise en cause et incompatible avec la notion de démocratie qui pose comme fondement l’égalité entre citoyens.

Elle conclut que l’autorité doit être fondée sur une capacité à négocier entre égaux, sur un  consensus.

Mais elle s’intérroge sur la question de l’autorité exercée sur les enfants, qui pour elle est une question difficile, et tranche en exprimant l’idée que l’infériorité doit être maintenue et la notion de hiérarchie conservée.

Pour Daniel Marcelli ce paradoxe, qui voudrait que pour certains l’égalité soit de mise et que pour d’autres elle soit différée, est une impasse.

Et l’on voit bien dans chaque famille la difficulté à maintenir, de la part de l’adulte comme de l’enfant, cette différenciation qui questionne dès le plus jeune âge de l’enfant.

L’autorité comme acceptation de l’obéissance

Pour Daniel Marcelli, l’autorité doit être différenciée de l’obéissance basée sur la contrainte et doit désormais se fonder sur l’acceptation et la libre détermination.

Pour lui l’autoritatisme se définit comme l’usage de la force ou de la séduction, qui exige la soumission, qui elle même entraine la révolte. Le sujet n’est pas libre : il doit obéir.

A l’inverse pour Daniel Marcelli, l’obéissance s’exprime au travers du pouvoir d’accepter.

Il cite un exemple où une petite fille est sommée de poser le couteau dangereux qu’elle a saisi par curiosité.

Si la force est utilisée, le risque d’une nouvelle tentative est probable car la curiosité n’a pas été assouvie et parce que le parent en a fait un objet de pouvoir, d’enjeu qui excite la convoitise.

En revanche si le parent demande à l’enfant de poser le couteau fermement mais en laissant le temps de l’autodétermination, l’enfant consentira de lui même à se soumettre et sera ensuite enrichi d’une explicaion.

Daniel Marcelli insiste sur l’importance de cet espace de réflexion, de retenue, qui accorde le temps de la détermination à l’enfant.

L’enfant sera reconnaissant de ne pas avoir été contraint ni par force ni par séduction et grandit ainsi l’autre de son autorité. L’autorité devient une reconnaissance et non plus une peur ou une menace.

L’enfant comprend ainsi que l’autorité est un système relationnel, qui s’il n’est pas intégré limite sa capacité de jugement, sa liberté de choix et le développement d’un sens critique qui lui permettra parfois de déroger.

L’enjeu est ici important dans la mesure où l’éducation est un apprentissage de l’autonomie où amener l’enfant à prendre soin de lui même est un objectif plus durable et plus vaste que l’objectif de le protéger des dangers en se substituant à sa propre détermination.

L’autorité se définit donc d’une part, comme la reconnaissance par le plus faible de ne pas avoir été contraint et d’avoir eu le temps de sa propre détermination.

L’autorité serait, d’autre part, la capacité de celui qui la position de pouvoir à retenir l’exercice de ce pouvoir et à retenir la jouissance qui l’accompagne. Ce qui suppose une autre prise de conscience.

Cette position du psychanalyste est séduisante mais peut se révéler difficile à mettre en pratique au quotidien, notamment lorsque la situation de blocage ou de conflit est déjà installée.

Un accompagnement par un professionnel de la relation, psychologue, thérapeute, psychanalsyte, peut se révéler aidant pour dépasser le point de crispation et apprendre à déployer de nouvelles méthodes éducatives.

 

 

Références

Vidéo de Daniel Marcelli

https://youtu.be/dPtc2skTWnc

http://www.esen.education.fr/fileadmin/user_upload/Contenus/Esen/rencontres-debats/2012/rencontres-debats_depliant_2012.pdf

Hannah Arendt Condition de l’homme moderne 1958

https://www.mollat.com/livres/1537770/hannah-arendt-condition-de-l-homme-moderne-premier-chapitre-la-condition-humaine

Rencontres de l’ESEN

http://www.esen.education.fr/fileadmin/user_upload/Contenus/Esen/rencontres-debats/2012/rencontres-debats_depliant_2012.pdf