Les fonctions du jeu chez l’enfant

Tout parent sent bien intuitivement que le jeu occupe une place importante dans le développement de leur enfant. Mais qu’en est-il vraiment ?

D. W. WINNICOTT, éminent pédiatre anglais a affirmé, dans son ouvrage intitulé L’enfant et sa famille, que « jouer est d’une importance vitale ».

Afin d’explorer les différentes fonctions du jeu pour l’enfant, je vous propose d’aborder les questions suivantes :

  • en quoi le jeu permet-il le développement psychique de l’enfant ?

  • en quoi lui permet-il de développer ses apprentissages ?

  • en quoi le jeu est un espace précieux de décompression ?

Le jeu est un espace de construction psychique fondamental

Le jeu constitue, dès les premiers mois de vie du bébé, un espace fondamental de construction psychique. Par le biais des interactions avec sa mère, le nourrisson entre progressivement en lien avec son environnement et apprend à développer des échanges avec son milieu.

Aux alentours d’un an, il est très friand des jeux de caché coucou qui constituent une étape essentielle de son développement. Il apprend en effet par ce biais à se représenter l’absence de sa mère et, croit-il, à la faire apparaître et disparaître à volonté.

Il développe là sa capacité à symboliser, c’est à dire à se représenter par la pensée, un élément absent physiquement. C’est le point de départ de son activité mentale imaginaire qui lui donnera accès notamment au langage.

Par ce jeu, il teste aussi la fiabilité de ses parents et son pouvoir sur les éléments. Il est important dans ce jeu d’être à la hauteur de ses attentes en ne disparaissant pas trop longtemps ou en ne rompant par le jeu sur la disparition car des angoisses peuvent naître si la prédiction ne se réalise pas pour lui systématiquement.

Le jeu du miroir décrit par Lacan est une autre étape structurante car l’enfant y découvre la présence de l’autre différenciée de lui même. Il découvre aussi son visage, son corps et commence à se représenter ce qu’il est et ce que les autres sont, détachés de lui même. C’est une étape vers ce que nous appelons l’individuation qui permet à l’enfant de commencer à construire son identité propre.

Avec l’accès au langage, il va commencer à entrer dans des phases de jeu plus élaborées où un monde imaginaire commence à se structurer et à s’exprimer : il apprend à penser et à dire.

Le jeu un espace d’apprentissage

Le jeu peut alors devenir un espace d’apprentissage à proprement parler.

L’enfant va découvrir, notamment par le jeu, la relation avec l’autre et les autres. Par le biais de la crèche, de la garderie, en contact avec ses frères et soeurs ou sa famille, il va, au travers du jeu, tester tout un panel de relations et de règles, qu’il va progressivement intégrer.

Les scènes de jeux observées dans les cours d’école, dans les crèches ou dans les squares sont à ce titre éclairantes et attendrissantes : l’enfant se confronte parfois violemment et douloureusement à la présence de l’autre, à la loi de l’autre, plus grand ou plus décidé, il apprend à résister à cette pression, à trouver sa place et son plaisir dans cette relation.

Il est intéressant de pointer également les jeux où l’enfant apprend à faire la différence entre la réalité et la fiction.

Ces jeux qui commencent par « on fait comme si … », où il se projette sur des rôles rêvés de policier, pompier, marchande, maman, docteur …

Ces jeux où il peut jouer à faire le mort ou à tuer l’autre « allez, re-tues moi encore, pan pan »

Ces jeux aussi où l’on peut arrêter le cours des choses en disant simplement « pouce », permettent à l’enfant à la fois de vivre le plaisir, l’excitation, la mise en danger du jeu, tout en gardant la maitrise de l’issue, par une parfaite compréhension de la limite entre ce qui est vrai et ce qui est inventé.

Dans un monde où le jeu virtuel prend une place importante, il est fondamental que l’enfant puisse continuer à jouer dans la vraie vie pour en mesurer le palpable, le concret. Par ailleurs, le « vrai jeu » ou plutôt le « jeu en vrai » lui offre une expérience physique qui met en activité son corps, sa motricité.

Tous ces jeux permettent à l’enfant de développer sa compréhension du monde et son sentiment de pouvoir sur ce monde.

Le jeu favorise également les apprentissages scolaires. Les expériences menées par les écoles alternatives de type Montessori, Steiner ou Freinet utilisent largement le jeu comme vecteur d’apprentissage, avec des résultats intéressants en matière de niveau scolaire mais également en matière d’épanouissement des enfants.

Le jeu comme espace de décompression

Le jeu permet de libérer l’énergie physique, par le corps, les cris, les rires, mais également l’énergie psychique accumulée.

Le jeu est en effet un espace très efficace de décompression psychique.

Un peu comme le rêve …

L’enfant rejoue spontanément, lorsqu’il élabore des petits scenarii ludiques, sa journée, son contexte de vie, les relations observées ou subies, en transposant partiellement les éléments.

Ce mécanisme de répétition a une vertu réparatrice et libératoire par l’expression d’une part et par la répétition d’autre part. Cette répétition pourra être l’occasion d’une modulation voire d’une inversion du scénario d’origine, permettant à l’enfant de reprendre une maîtrise sur les évènements jusque là mal vécus ou incompris.

En thérapie par le jeu, ce sont notamment ces caractéristiques du jeu, associées aux interprétations du thérapeute, qui sont utilisées pour libérer l’enfant des symptômes ou difficultés ayant amené à consulter.

En conclusion, il est important de souligner que les parents remplissent un rôle essentiel dans l’amorçage de la dynamique de jeu, notamment lors de la toute petite enfance. Il restent ensuite des compagnons de jeu importants, permettant la découverte, l’échange, la complicité.

Mais les parents ne doivent pas culpabiliser de laisser leur enfant jouer seul, au contraire. L’enfant doit aussi et beaucoup jouer seul et avec ses pairs pour se construire et élargir son espace relationnel.

En résumé, il s’agit donc ici à la fois de déculpabiliser les parents qui jouent peu et de mobiliser les parents qui ne jouent pas du tout.